Ernie Grunfeld

Le maître des clefs

Ernie Grunfeld a été LE dirigeant des Knicks pendant les années 90. Il a géré l’équipe rendant les Knicks populaires dans le basket contemporain et réussi une reconstruction de génie, mais comme souvent les génies sont incompris à leur époque… Voici l’histoire extraordinaire de l’actuel dirigeant des Wizards et ancien Knicks pendant 17 années, Ernie Grunfeld.

DE PARENTS SURVIVANT DE LA SHOAH, À NEW YORK PAR HASARD

Ernie Grunfeld est né en 1955, ses parents, Alex et Leslie, sont juifs et ont survécues à l’Holocauste, après quoi, ils décident de s’installer avec leur 2 fils en Roumanie. En 1963 l’état d’Israël valide leur émigration, cependant il manque un dernier document qui doit être approuvé par un bureau italien. La procédure traîne et prend plus de 6 mois et pendant ce temps, le frère de Leslie s’est installé aux Etats-Unis et propose de les accueillir, le temps qu’ils trouvent un logement. Les Grunfeld’s changent leur plans et filent aux USA en 1964, à New York dans le Bronx chez le frère de Leslie, puis ils trouvent rapidement un logement dans le Queens à Forrest Hill. Malheureusement, la mère d’Ernie Grunfeld décède d’une leucémie rapidement après leur arrivée dans le Queens.

Le père d’Ernie lui permet d’avoir une vie assez confortable, mais pour lui et son frère l’intégration est un peu difficile les premières années dû à la barrière de la langue. C’est le basket qui l’aidera à s’intégrer.

C’est comme ça que vous vous êtes fait des amis. Ce fut difficile les deux premières années, avec mon frère et de ne pas savoir parler vraiment la langue, mais le basket m'a aidé. J'étais toujours assez grand et sportif. Une fois que je me suis imposé comme le meilleur joueur de mon terrain de jeu, j’ai commencé à jouer dans différents endroits,

Ernie Grunfeld commence par dominer son playground, puis le championnat lycéen où il est très vite remarqué et courtisé par les universités. En 1973, il choisit l’université de Tennessee dont il va marquer l’histoire et où va débuter une belle et longue amitié avec son nouveau coéquipier, Bernard King.

A eux deux, ils vont marquer l’histoire de Tennessee tournant à plus de 40 points par match chacuns. C’est deux là avaient quelque chose en eux de Tennessee c’est certain (oh ba quoi!?), Bernard King et Ernie Grunfeld feront leurs 4 années de cursus, Ernie deviendra le meilleur marqueur de l’histoire de la fac jusqu’à ce qu’un certain Allan Houston le détrône plus tard. Le duo est surnommé “Ernie and Bernie Show” en référence au marionnettes populaires à l’époque “Earnie and Bert”. Ernie Grunfeld sera intronisé au Hall of Fame de l’université en 1987, avec Bernard King pour le présenter, son numéro 22 sera retiré de toutes disciplines sportives de l’Université.

Pendant son cursus universitaire qu’il fera en entier, 4 années, il est sélectionné par l’équipe américaine pour participer aux jeux Panaméricains de 1975 et les Jeux Olympiques de Montréal en 1976, deux compétitions qu’il remportera. Il devient citoyen américain cette anné là et après ses 4 années de succès dans le Tennessee, il est temps pour lui de passer professionnel.

UN ROLE PLAYER SOLIDE EN NBA

Ernie et Bernie se séparent à la draft de 1977, Bernard King est choisi par les Sonics en 7eme position et Ernie Grunfeld par les Bucks en 11eme pick. A Milwaukee il rejoint un sophomore du nom d’Alex English qui est encore timide au scoring à une dizaine de points par match, lui qui en mettra 30 de moyenne plus tard avec Denver. Ernie Grunfeld est un arrière de 1m98, physique, très bon défenseur, très adroit aux tirs et régulier. Ce qu’on appelle à notre époque un “3 and D”. Il passera 2 années aux Bucks avant de rejoindre les Kings encore à Kansas City, il y évoluera avec un coéquipier du nom de Mike Woodson futur coach des Knicks, qui ramènera l’équipe en playoff en 2013. Pendant ce temps à New York, l’équipe n’a toujours pas réussi sa reconstruction après les titres des années 70. Même Willis Reed s’est fait viré, Red Holzman est revenu dans succès et l’équipe a drafté un joueur au talent fou, Michael Ray Richardson, mais qui sombre dans l’alcool et la drogue, du grand New York…

Hubbie Brown arrive au poste de coach et fait effectuer certains mouvements qui seront historiques pour New York. Il recrute Ernie Grunfeld et pour le grand bonheur de ce dernier, envoi Michael Ray Richardson aux Warriors en échange de … Bernard King. Les deux amis sont à nouveaux réunis et on connaît l’impact de King sur les Knicks par la suite. Le temps de jeu d’Ernie Grunfeld à New York baissera légèrement à 15 minutes en moyenne, cependant il continuera de produire des performances régulières au poste d’arrière et d’ailier. Ceci l’amènera jusqu’a à la fin de sa carrière de joueur en 1986 à 30 ans, avec le maillot des Knicks, mais avec cette franchise ce sera juste le début de l’histoire.

ERNIE GRUNFELD CONNAÎT LA MAISON KNICKS PAR COEUR, LA CLÉ D’UN GRAND DIRIGEANT?

Sa carrière de joueur terminé, Ernie Grunfeld continue sa carrière professionnelle au sein de la maison Knicks chez MSG Network, la chaîne officielle et appartenant aux Knicks, en tant que commentateur en 1986. Il y commentera les rencontres, apprendra le métier de journalistes, idéale par la suite pour conseiller les joueurs sur leur communication et rapports aux médias. Il passe 3 saisons à MSG Network avant de retrouver le banc des Knicks et d’être l’assistant de Stu Jackson en 1989, le temps d’une saison avant de devenir directeur de l’administration des Knicks en 1990.

Son ascension se poursuit, il commence à avoir de l’influence sur la gestion des opérations basket, le recrutement et il est naturellement nommé General Manager en 1991.

Il hérite d’une équipe avec des fondations solides, Patrick Ewing, Charles Oakley et John Starks sont déjà là, mais cela ne fait pas tout. Il faut quelqu’un pour lier ces talents, capable également de supporter la pression New Yorkaise, avec un certain tempérament. Depuis Hubbie Brown, ça manque sur le banc New Yorkais…

Vous ne jetez pas simplement des joueurs sur le terrain et attendez-vous à ce qu’ils forment une unité cohérente du jour au lendemain.

Il réussit son premier gros coup en 1991 en recrutant le coach légendaire et multiple champions avec les Lakers, Pat Riley, on connaît la suite. La même année il draft Greg Anthony, récupère un tour de draft pour récupérer Charlie Ward. Il signe le regretté Anthony Mason et récupère également Xavier McDaniel, vous vouliez de la dureté…? Merci Ernie.

Les Knicks sont prêt pour affronter les années 90 et écrire l’histoire. En 1992, il draft Hubert Davis et trade Mark Jackson dans un blockbuster deal où les Knicks récupèrent Doc Rivers et Charles Smith, plus tard arrivera Derek Harper.

Pendant les 4 années où Pat Riley sera là grâce à l’équipe construite par Ernie Grunfeld, les Knicks tourneront à 68% victoires et marqueront l’histoire de la NBA, les fans des Knicks qui, suite à l’effondrement de la franchise dans les années 2000, resteront nostalgique de cette époque. Malgré les performances de l’équipe, portée par le légendaire Patrick Ewing, elle évoluera au même moment où Michael Jordan et les Bulls débutent leur règnes. Les série de playoffs seront historiques, mais ne permettront aux Knicks d’atteindre les finales qu’en 1994, perdue en 7 matchs face aux Rockets d’Hakeem Olajuwon.

Les Knicks échoueront l’année suivante sur Reggie Miller et les Pacers, c’est ainsi que l’ère Riley se termine, il signe à Miami en 1995, il est remplacé par Don Nelson.

LE DÉBUT D’UNE RECONSTRUCTION HISTORIQUE, DE GÉNIE MAIS QUI SERA FATALE

Il est temps de reconstruire aux Knicks et Grunfeld en est bien conscient. Ewing ne peut plus porter l’équipe tout seul et a besoin de plus de soutien offensif, John Starks va entrer dans sa fin de carrière et veut aussi un gros chèque, Oakley entame aussi sa fin de carrière et est bientôt free agent. Malgré ces faits, en interne à New York on ne veut pas tout bousculer, à cela s’ajoute la pression des fans qui ne veulent pas voir leur famille disparaître. Entre temps, Don Nelson s’est déjà fait virer sans finir la saison et est remplacé par Jeff Van Gundy. Un signe avant coureur que du changement est nécessaire.

Le plan était de rajeunir, de devenir plus athlétique, de jouer plus up-tempo et d’apporter plus d’armes pour soulager Patrick

Ernie Grunfeld commence les manoeuvres malgré les contestations et les tensions que cela crée avec Jeff Van Gundy. La presse locale décriera souvent des tensions extrêmes entre les 2 hommes, ce que nuancera Grunfeld.

Le plan était de rajeunir, de devenir plus athlétique, de jouer plus up-tempo et Nous n'étions pas d'accord sur tout mais nous avons eu beaucoup de succès ensemble et il est absurde de penser que cela ait eu un effet sur la performance de l’équipe.

A l’été 1996, il enverra Anthony Mason à Charlotte contre Larry Johnson, signera Chris Childs et investira beaucoup d’argent sur Allan Houston. La direction des Knicks et les fans commencent à se tendre lorsque Ernie Grunfeld transfert le symbolique Charles Oakley contre Marcus Camby en 1998. Cependant, l’équipe tourne bien et cela permet à Ernie Grunfeld de rester en place. James Dolan a dû mal à comprendre la stratégie et les fans voient leurs idoles quitter le club un par un, à cela s’ajoute le vieillissement de Patrick Ewing. Mais Ernie Grunfeld fait ce qu’il pense de bon pour son club qu’il considère comme une famille et pour lequel il se battra contre vents et marées.

Il achève en 1999 la reconstruction des Knicks (tout en gardant Ewing) mais aussi son divorce avec Jeff Van Gundy, les fans et la direction en tradant John Starks contre Latrell Sprewell en janvier 1999.

James Dolan décide de “mettre au placard” Grunfeld et il charge son meilleur ami en interne, Dave Checketts, de faire le sale boulot et de lui annoncer la mauvaise nouvelle.

En avril 1999, Ernie Grunfeld est écarté des Knicks alors que l’équipe va entamer une performance historique en playoff. Elle sera la première et unique équipe à accéder à la finale NBA en ayant finit 8eme de sa conférence, finale qu’elle perdra contre les Spurs. Grunfeld assiste de chez lui au parcours historique de son chef d’oeuvre, il est dévasté. Tout d’abord car Dave Checketts et sa famille était des amis très proches de la famille Grunfeld. D’autre part, sa femme expliquera qu’après 17 années aux Knicks, c’est comme perdre son identité, sa famille. Leur chien s’appelait même Nicky, Grunfeld déclare avec humour

J'ai essayé de changer le nom de Nicky mais il ne m'écoutait plus

SA CARRIÈRE DE DIRIGEANT SE POURSUIT ET BAT DES RECORDS DE LONGÉVITÉ

Bien entendu, son talent et sa loyauté ne reste pas longtemps sur le marché et il rejoint les Bucks, l’équipe l’ayant drafté, en 1999 en tant que General Manager. Il gérera l’équipe composé de Ray AllenGlenn Robinson, il lancera aussi la reconstruction en envoyant Allen aux Sonics et signera Anthony Mason. Il quittera les Bucks pour les Wizards en 2003 en tant que président des opérations basket et va marquer l’histoire de la franchise en signant dès son arrivée Gilbert Arenas. En 2004, Ernie Grunfeld récupère Antown Jamison dans la draft puis l’année suivante Caron Butler et au fond du 2nd tour de draft en 49eme position, Andray Blatche.

Dès 2004, les Wizards atteignent les playoffs jusqu’en 2008 menés par Gilbert Arenas, sur la voie du Hall of Fame, il est inarrêtable, clutch, avec un style de jeu unique et un charisme qui remettent la capitale américaine dans la lumière de la NBA. Mais en 2009, “l’affaire des pistolets” fera exploser le groupe et lancera la reconstruction de l’équipe, elle se fera autour du numéro 1 de la draft suivante en 2010John Wall. A nouveau, Ernie Grunfeld aura l’opportunité de reconstruire en un éclair, il ajoutera à l’équipe Bradley Beal, Otto PorterMarcin Gortat.

Il est encore aujourd’hui à son poste après 15 ans aux Wizards, ce qui fait de lui le 2nd dirigeant en terme de longévité de l’histoire de la franchise derrière Bob Ferry.  Marié à Rebecca, ses 2 fils sont basketteurs professionnels en Europe, l’un deux a obtenu la nationalité roumaine et joue avec l’équipe nationale.

Le parcours d’Ernie Grunfeld ne tient qu’à un fil. Après avoir survécu à la Shoah, sa venue aux USA est dûe à un papier qui n’est jamais arrivé… Parti de rien à New York, sans parler la langue, il a la fois réussi avec panache et succès sa vie professionnelle. Mais également avec une détermination, un instinct et un professionnalisme qu’il ne le quittera jamais, malgré le rugissement des fans les plus virulent de la NBA. Surement car Ernie Grunfeld est un vrai New Yorkais, un exemple parmi tant d’autres de l’histoire des gens de cette ville qui savent que tout est possible tant qu’on fait face aux réalités.

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