Jerry Lucas est un des plus grands joueurs de l’histoire de la NBA et a évolué sous les raquettes face aux plus grands joueurs de l’histoire. Jabbar, Robertson, Jerry West, Chamberlain, Russell ont pu affronter Doctor M. Un pivot intelligent et très adroit, bien avant le basket contemporain et ses pivots fuyants.
A MIDDLETOWN, IL DÉBUTE LA COMPÉTITION EN ÉCRASANT LES RECORDS ET LA CONCURRENCE
Middletown dans l’Ohio, la “capitale du basket de l’Ohio” c’est ici qu’est né Jerry Lucas en 1940. Jerry est un jeune garçon très intelligent, qui s’amuse avec des jeux mentaux lorsqu’il s’ennuie pour par exemple retenir des quantités d’informations impressionnantes. Cela développera son intelligence et il sera l’utiliser plus tard. Autre point étonnant, Jerry Lucas possède une vision supérieur aux autres avec un oeil obtenant 10 et l’autre 20.
Middletown est une ville remplie d’excellents basketteurs, de très bons playgrounds. Du haut de ses 1m80 à 12 ans, Jerry Lucas commence naturellement à jouer au basket avec ses amis et montre très vite des facilités grâce à sa taille, son shoot et son intelligence de jeu. Il commence à jouer au lycée de la ville en 1955, très vite il se fait remarquer grâce à une réussite au tir de 60%, notamment avec de nombreux rebonds offensifs. Portant le numéro 13, il est souvent cité en comparaison d’un certain Wilt Chamberlain.
A la fin de sa première saison, l’équipe de Middletown est invaincue et co-championne nationale avec l’équipe d’Indianapolis Crispus Attack, dans laquelle on retrouve un certain Oscar Robertson. La saison suivante, Jerry Lucas renouvelle la performance et cette fois, Middletown est champion national, seul à la première place. Il entame sa 3eme et dernière saison de lycéen invaincu, Middletown perdra un match en playoffs, ce qui mettra fin à une série de …76 victoires consécutives… Jerry Lucas se distingue par sa domination au rebond, son intelligence de jeu et son adresse. En trois saisons au lycée de Middletown, Jerry Lucas remporte 2 titres nationaux, remportera le titre de meilleur joueur de l’Ohio 3 fois, sera nommé meilleurs joueurs du pays 2 saisons. Dans l’histoire du basket américain, seul Lew Alcindor (futur Kareem Abdul Jabbar) et un autre joueur de l’Ohio, Lebron James, remporteront ce titre deux années.
Encore aujourd’hui, Jerry Lucas est considéré comme l’un des meilleurs joueur de lycée de l’histoire. Une domination incroyable et une intelligence de jeu qui lui permettront de rejoindre Ohio State pour poursuivre sa carrière, mais surtout ses études, car Jerry Lucas ne veut pas d’un avenir de basketteur….
UNE LÉGENDE NAÎT À L’UNIVERSITÉ D’OHIO STATE
Après avoir reçu plus de 160 propositions de bourses, Jerry Lucas choisi Ohio State en 1959 pour son cursus universitaire, il reste ainsi chez lui. Les meilleurs basketteurs lycéens attendaient sa décision pour s’inscrire à l’université, chose faite, il est rejoint par ses amis John Havlicek, Bob Knight, deux futurs Hall of Famer, à Ohio State. Malgré les attentes autour de la star du basket qu’il est, Jerry Lucas fait de ses études sa priorité et continue de développer des techniques d’apprentissages. Le coach de l’équipe de Football de l’université lui demanda alors de venir former les joueurs de sa propre équipe pour mémoriser les systèmes de jeu de l’équipe.
La saison commence avec une cuvée de freshman de très haut niveau, Lucas, Havlicek, Knight, compose le cinq de départ. Ohio State fait des carnages, pratique le jeu rapide, est la meilleur attaque du pays (90 points/matchs) avec la meilleure adresse. En tête de cette équipe légendaire, Jerry Lucas représente à lui seul les forces de son équipe en tournant à 26 points, 63% au tirs et 16 rebonds par matchs, en tant que freshman… Le 5 de départ est complété par Larry Sigfried et Joe Roberts, tous les membres de l’équipe de départ seront drafté plus tard. Avec cette équipe de rêve, Ohio State remporte le titre national de NCAA en 1960 grâce à son équipe légendaire et ses exceptionnels freshmen.
Jerry Lucas enchaînera avec les Jeux Olympiques de Rome en 1960, faisant équipe avec Jerry West et Oscar Robertson. Il est épuisé car il n’a cessé d’enchaîner les saisons depuis le lycée en jouant l’intégralité des matchs, faisant ressurgir des problèmes de genoux. L’équipe remporte les matchs avec 40 points d’écarts en moyenne, batte la Russie en pleine guerre froide et deviennent champion olympique. Malgré son tournoi moyen û à la fatigue, le coach de l’équipe dira “c’est le meilleur joueur que j’ai coaché, au delà de son talent, sa domination, c’est son altruisme qui le rend redoutable et son intelligence de jeu. “
La saison 1960-61 débute, Ohio State réalisera une performance incroyable en étant invaincue jusqu’à la finale, 32 victoires de rang. Jerry Lucas sera le seul joueur de l’histoire à réaliser un 30-30 en tournoi NCAA, (33 points et 30 rebonds). Mais ils s’inclinent en finale de 5 point contre Cincinnati Bearcats, malgré le départ d’Oscar Robertson. Jerry Lucas enchaîne un tournoi AAU en URSS pendant l’était et revient très fatigué, avec 10 kilos en moins.
La saison 1961-1962 débute avec la même dynamique pour Ohio State, mais Lucas connaît des problèmes avec ses genoux, jouant beaucoup trop. L’équipe atteint le final four, Lucas se blesse sérieusement au genoux contre Wake Forest en demi-finale. L’équipe accède néanmoins à la finale et Jerry Lucas décide de jouer malgré sa terrible blessure…. Jerry Lucas ne voulait pas faire de carrière professionnelle de basket…. il considéra cette finale comme son dernier match de basket, prêt à se sacrifier pour son équipe. Gêné dans ses déplacements, ils perdent à nouveau la finale contre Cincinnati. Ce fut alors le dernier match universitaire de Jerry Lucas.
Le bilan de Jerry Lucas jusque là est exceptionnel. Après une carrière au lycée où il a survolé le championnat, il sera champion Universitaire dès sas première année, il sera chaque année All-NCAA first team, meilleurs joueur universitaire 2 années. Pendant sa carrière à Ohio State, l’équipe affiche un bilan impressionnant de 78-6, en 1961 il fut le premier basketteur à être nommé Sportsman of the Year par Sports Illustrated. Son numéro 11 fut retiré de tous sports confondus à Ohio State et il obtient son bachelor d’administration des entreprises, avec mention. Jerry Lucas est simplement considéré comme le meilleur athlète étudiant de l’histoire et du meilleur joueur NCAA de tous les temps avec Kareem Abdul Jabbar.
Sa carrière universitaire est incomparable, malgré qu’il mettait les études en priorité et déclarait ne vouloir jamais passer pro…. il choisit finalement le contraire… sans se douter du début de carrière qu’il allait vivre…
UN DÉBUT DE CARRIÈRE PROFESSIONNELLE DANS UN ENVIRONNEMENT CHAOTIQUE
En 1962 et malgré ses déclaration précédentes, Jerry Lucas va bien passer pro. Naturellement ultra courtisé, Jerry Lucas va être choisi dans le cadre d’un dispositif qui existait jusqu’en 1965, le “Territorial Pick”, ce qui permet à une équipe d’avoir la priorité sur un joueur formé dans une université 50 miles autour de la ville de la franchise. La NBA naissante et encore fragile a créé ce dispositif afin de valoriser l’engouement local des équipes. Dans ce cadre, les Cincinnati Royals ont la priorité sur les droits de Jerry Lucas, cela leur permettra de regrouper ce dernier avec Oscar Robertson.
En même temps dans la ligue concurrente, la ABL, Jerry Lucas est aussi drafté grâce au “Territory Pick” par les Cleveland Pipers. Séduit par un contrat lui donnant plus de responsabilité dans l’équipe, Lucas choisit Cleveland. Mais le propriétaire de la franchise tente de rejoindre la NBA cet été là. Cela créer des complications pour le Territory Pick avec Cincinnati, mais la ABL l’envoi aussi en procès.
Incapable de payer joueurs et personnels, la franchise de Cleveland s’effondre… Jerry Lucas ne peut non plus rejoindre la NBA, ayant signé un contrat avec un tiers… Il en sera libéré un an plus tard après une saison sans jouer, pour rejoindre la NBA et les Cincinnati Royals (futur Sacramento Kings) et Oscar Robertson.
IL RESTE PRÈS DE CHEZ LUI, AUX ROYALS AVEC OSCAR ROBERTSON
Jerry Lucas débute sa carrière professionnelle lors de la saison 1963-1964 à quelques kilomètres de chez lui, à Cincinnati. A son arrivée, les Royals sont en train d’être vendu et la vente de tickets est en chute libre depuis 3 ans. Cependant, l’équipe compte déjà dans ses rangs un certain Oscar Robertson et deux autres All Stars, Wayne Embry, Jack Twyman. Jerry Lucas a un impact sur son équipe dès son année rookie, où il domine sous les panneaux tournant à plus de 17 rebonds/match. Comme à l’université, il a un haut niveau de réussite au tirs, notamment de loin, c’est un grand passeur jouant avec une rare intelligence. Toujours pendant son année rookie, il réussira 4 matchs à 30 rebonds et même un match à 40 rebonds! A une époque, où les Chamberlain et Bill Russell terrorisent les raquettes. Lors de la saison 1967-68, il est le second rebondeur de la NBA derrière Chamberlain et devant Bill Russell! Sur l’ensemble de ses 8 années avec Cincinnati, il tournera à environs 20 points/match et 18 rebonds.
Sa carrière NBA sera la continuité de sa carrière universitaire, beaucoup d’adresse, d’intelligence de jeu et un des meilleurs rebondeurs de l’histoire du basket. Rookie of the year, il sera nommé All NBA First Team en 1965, 1966 et 1968, 7 fois All-Star et notamment MVP du All-Star Game en 1965. Comme auparavant dans sa carrière universitaire et lycéenne, son coach ne peut se passer de lui et Jerry Lucas joue beaucoup… beaucoup trop et ses problèmes de genoux le rattrapent. Moins mobile, Jerry Lucas prend un peu de poids alors que son équipe commence aussi à décliner. En dehors des terrains, Jerry consacre de plus en plus de temps à ses business, il utilise son savoir reçu à l’université, il devient à l’époque un des très rare joueur à être millionnaire. Mais en 1968, ses affaires s’effondrent et le mette en faillite, mais aussi sa popularité auprès des joueurs et partenaires qui ont eux aussi perdus beaucoup d’argent.
En 1969, Bob Cousy devient le coach des Royals et souhaite mettre en place du jeu rapide, Jerry Lucas ne rentre pas dans les plans de son coach. Fort d’une clause de non transfert, il négocie son transfert pour rejoindre les Warriors de San Francisco.
Il débarque à San Francisco au milieu de la saison 1969-70, mais blessé, il jouera à nouveau à partir de la saison 1970-71, le temps pour lui de se remettre en forme pour tenir la raquette avec Nate Thurmond. Jerry Lucas revient fort et continue de dominer la raquette au rebond, son équipe tombera en playoffs face au futurs champions 1971, les Bucks de Jabbar et Oscar Robertson.
A l’été 1971, les Warriors souhaitent accélérer leur jeu avec un ailier et de l’autre côté des Etats-Unis, les Knicks de New York, champion en 1970, recherchent un back-up solide au talentueux Willis Reed. Un intérêt commun qui va permettre à Jerry Lucas de devenir un Knicks et rejoindre New York au début de la saison 1971-1972.
DOCTEUR MEMORY DÉBARQUE À BIG APPLE
Jerry Lucas débarque à Big Apple, les Knicks champion en 1970 sont coachés par le légendaire Red Holzman qui est aussi un grand fan de Jerry Lucas. Willis Reed blessé la plupart de la saison, il est le pivot titulaire malgré les sceptiques à l’époque. Jerry Lucas les fait taire en étant le meilleur rebondeur, deuxième marqueur derrière Walt Frazier avec un haut pourcentage de réussite.
En dehors de ses rebonds offensifs, Jerry Lucas marque la plupart de ses paniers de loin, au niveau de la ligne à 3 points qui n’existe pas encore en NBA à l’époque. Il étire ainsi les défenses qui en sont perturbées pendant une ère archi dominée dans les raquettes par les Chamberlain, Russell, Jabbar, Nate Thurmond. A l’image de l’époque actuelle, Lucas était un pivot puissant capable de fuir, utiliser son adresse et son sens de la passe, donnant beaucoup de possibilités à son équipe. Les Knicks gagnent et iront en Finale NBA en 1972, mais les Lakers prendront cette fois-ci leur revanche.
Pendant toutes ces années, Jerry Lucas a continué ses entraînements mentales de mémorisation. En 1972, il publie un livre nommé “The Phone Book” où il explique comment il a mémorisé 500 noms, numéros de téléphones des pages blanches de New York. (l’annuaire téléphonique). Il propose des méthodes de mémorisations basées sur les images mentales et débute là une autre partie de sa carrière animée par l’ambition de développer l’éducation chez les plus jeunes. Son livre sera publié sous le nom de son surnom, Docteur Memory.
Jerry Lucas était capable de mémoriser un box score en plein match et le faisait parfois. Il partage ses techniques de mémorisation avec ses collègues et les joueurs apprennent plus vite et davantage les systèmes.
Nous avions plus de systemes que n’importe quelle équipe NBA car nous avions les capacités d’apprendre plus et plus vite. Si l’un de mes coéquipiers ne mémorisent pas un système je l’aidais.
Jerry Lucas
Avec ses coéquipiers et grâce à leurs capacités mémorielles, Jerry Lucas et les Knicks se créent leur propres langages.
“Nos adversaires n’avaient aucune idée de ce que nous mettions en place. Bill aller dire quelque chose comme “Innie gotcha walka deeky bongo” et j’allais répondre “Shaniya vooto saweeka sata”. Pour nous ça valait dire quelque chose, un système ou une action. “
Jerry Lucas
Au début de la saison 1972-73, Willis Reed est de retour et Jerry Lucas est sur le banc pour la première fois de sa carrière. Cependant, il joue beaucoup pendant la saison, Red Holzman veut préserver “Captain” Reed pour les playoffs. La suite on la connaît, les Knicks remportent le 2nd titre de leur histoire en 1973 avec leur équipe légendaire où l’on retrouve Phil Jackson, Earl Monroe, Dave Debusschere, Bill Bradley. En remportant le titre au lycée, en NCAA et en NBA, il devient le seul joueur de l’histoire à être champion à tous les niveaux. La saison 1973/1974 débute, mais Jerry Lucas sent son physique décliner et ses stats plongent. Il met alors un terme à sa carrière de joueur à l’issue de la saison 1974.
Il quitte la NBA avec la 4eme meilleur moyenne de rebond en carrière et étant le 5eme rebondeur de l’histoire en NBA, en 1974. (il est aujourd’hui 17eme). Il sera intronisé au Hall Of Fame en 1980 et fut reconnu comme faisant partie des 50 meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA, en 1997 à la mi-temps du all-star game de Cleveland, en portant la veste des Knicks.
DOCTEUR M PREND LA SUITE DE SA VIE
Jerry Lucas est retourné vivre dans l’Ohio et à continuer sa carrière en proposant ses services, vendant des méthodes d’apprentissage, toujours dans l’idée de développer l’éducation chez les plus jeunes. Il prend aussi soin de sa famille, marié 3 fois, Jerry Lucas a 4 enfants.
Jerry Lucas a eu une carrière prodigieuse, a dominé son époque avec un tel talent et une telle intelligence que les plus grands noms voulaient le rejoindre. Doté d’une vision et d’une intelligence hors du commun, il a dominé la ligue pendant un des âges d’or de la NBA où il affrontait des nom prestigieux, Oscar Robertson, Jerry West, Wilt Chamberlain, Bill Russell, Kareem Abdul Jabbar.
Même si son nom reste connu des joueurs du basket outre atlantique, il doit subir néanmoins l’ombre générée par les légendes de son époque et un éloignement des parquets à la fin de sa carrière. Car la domination, le talent et l’intelligence de Jerry Lucas font bien de lui un joueur exceptionnel et l’un des plus grands de l’histoire. Acteur majeur du titre de 1973 des Knicks, Docteur M a peut être disparu de certaines mémoires et n’est pas connu des plus jeunes, mais il suffit de lire son palmarès et son histoire pour comprendre que sa carrière est bien inoubliable. Avant d’apprendre au monde entier de mémoriser une quantité de données impressionnantes, Jerry Lucas aura appris au gens à se souvenir de lui grâce à ses performances sur le terrain, grâce à son talent et son intelligence.